VILLAGE ISOLÉ. Yvon Claveau est aujourd'hui sergent au poste de Beauce-Sartigan de la Sûreté du Québec. Cependant, son enfance, de six mois à 14 ans, il l'a vécue d'une façon heureuse et privilégiée au village de Chute-des-Passes. Isolés de tout, la trentaine de familles qui vivait là-bas ne manquait cependant de rien et Alcan payait pour presque tout afin de maintenir ses employés sur place.
« On était vraiment dans un monde à part, comme les Joyeux naufragés, mais on ne manquait absolument de rien. En fait, Alcan payait pour presque tout. On avait un centre de ski avec remonte-pente, deux glaces de curling, un centre de quilles, un restaurant, un bar, une piscine semi-olympique couverte, un centre équestre, etc… Il y avait même un lac non loin de la centrale où Alcan nous donnait des terrains pour que l'on puisse se construire un chalet », se rappelle Yvon Claveau.
Son père travaillait comme soudeur pour la compagnie et la centrale était le terrain de jeu des enfants.
Les maisons, chauffées à l'électricité par la compagnie, appartenaient à Alcan. Elles étaient fournies semi-meublées. À tous les cinq ans, elles étaient repeintes (tout en blanc) et c'est même la compagnie qui coupait le gazon.
« Tout se jouait dans moins d'un kilomètre et les liens étaient très solides dans la communauté. Pas besoin de vous dire qu'il n'y avait pas de criminalité là-haut. On ne barrait jamais nos portes », se rappelle-t-il.
Vie agréable
Yvon Claveau a ainsi connu l'arrivée de la télé. Une tour de transmission en bois a vite été remplacée par une tour de métal.
« À l'époque, on captait Télé 4 (Télé-Métropole devenu TVA) et Radio-Canada. Pas besoin de vous dire qu'il y avait toujours de la neige dans l'écran », rappelle en riant Yvon Claveau.
Au début des années 70, on a jouté un mini centre commercial dans le village avec une vraie épicerie, une infirmerie qui accueillait un médecin une fois par semaine, de même qu'un coiffeur.
« Sur le bâtiment, il y avait les lettres CCCP pour Centre commercial de Chute-des-Passes, mais pour nous, attendu que c'est Alcan qui payait pour tout, on comparait ça au pays communiste de l'ancienne Union Soviétique », signale Yvon Claveau.
Quant à l'école, il y avait deux bâtiments, incluant le gymnase. Alcan payait les professeurs pour chacun des niveaux primaires et quand un élève arrivait au secondaire, c'est encore Alcan qui payait pour envoyer cet élève en pension dans une école secondaire de la région. À tous les 15 jours, un autobus faisait le tour de la région et ramenait tous ces élèves passer la fin de semaine chez leurs parents.
Yvon Claveau a vécu des jours heureux dans ce coin de pays. La seule chose dont il ne s'ennuie pas, ce sont les mouches.
« Il y en avait tellement et elles étaient tellement grosses. On était jeunes et on pensait que les mouches se disaient entre elles: on le mange ici où on l'amène un peu plus loin », de conclure en riant l'ancien résident du village à l'origine de l'organisation des retrouvailles du mois prochain.—