Une Almatoise s’est présentée au micro de la salle du conseil municipal d’Alma la semaine dernière afin de dénoncer les coupes dans le programme de francisation de la formation générale aux adultes au Lac-Saint-Jean. Elle en a profité pour demander aux élus de faire pression sur le gouvernement du Québec pour qu’il revienne sur sa décision.
« Je me présente ici aujourd’hui comme citoyenne de la ville d’Alma, mais aussi en tant qu’entrepreneure qui embauche des travailleurs étrangers, en tant que cliente de restaurants qui emploient des travailleurs étrangers, en tant que membre du comité de quartier de Riverbend, où se sont installées des personnes issues de l’immigration, ainsi qu’en tant qu’enseignante en francisation qui vient de perdre ses élèves. »
C’est ainsi que Vicky Potvin a débuté son discours, qu’elle a poursuivi en affirmant être venue manifester aux élus à quel point elle était « déçue par la récente décision de la CAQ de changer les règles de financement de la francisation au Québec sachant que cette décision mène à la fermeture des classes de francisation à Alma. On parle de plus de 150 citoyens d’adoption qui perdent leur service de francisation », a déploré la propriétaire de la boulangerie artisanale Merci la mie, à Alma.
De ce constat, cette dernière a demandé à la mairesse ainsi qu’aux membres du conseil de l’appuyer dans sa dénonciation.
« Pouvons-nous compter sur vous pour faire valoir un modèle d’intégration plus durable des gens que l’on a choisi d’accueillir ici, un modèle qui les considère comme les humains qu’ils sont, c'est-à-dire des humains capables de s’intégrer à condition qu’on leur donne des services de francisation.
« Je sais que vous avez des espaces de collaboration avec des instances du gouvernement provincial et leurs représentants », a fait valoir l’enseignante en francisation.
La Ville donne son appui
Du même avis que la citoyenne, la mairesse d’Alma, Sylvie Beaumont, lui a aussitôt signifié son appui.
« On va vous revenir avec une résolution qui va émettre la position du conseil et demander au gouvernement des moyens de pouvoir continuer d’enseigner le français chez nous », a-t-elle mentionné, qualifiant les coupes en francisation de « décision très, très malheureuse ».
« Je pense qu’on a plus que jamais besoin de ces étudiants-là, de ces gens-là qui viennent s’installer chez nous et qui ne parlent pas nécessairement notre langue. On veut les accueillir, les intégrer, et qu’ils deviennent des citoyens. C’est donc une décision incompréhensible. »
Sylvie Beaumont a par ailleurs soulevé que le Lac-Saint-Jean était une région caractérisée unilinguisme francophone plus marqué qu’ailleurs au Québec. « Il faut aussi prendre en considération qu’ici, on parle uniquement le français. L’anglais est très peu utilisé. »
Une autre professeure en francisation du Saguenay-Lac-Saint-Jean se fait la porte-voix des élèves qui viennent récemment de perdre l’accès à ce service pourtant si précieux.
« Je veux parler au nom de ces travailleurs et travailleuses, de ces élèves qui ont tout laissé derrière eux, leur famille, leur pays, pour venir s’installer ici et à qui on va arrêter de donner un service auquel ils ont droit. C’est tout à fait normal de leur offrir un service de francisation de qualité. En plus de devoir communiquer avec leurs nouveaux collègues de travail, quand ils arrivent avec leur famille, ils doivent aussi arriver à communiquer avec les enseignantes, les éducatrices, le personnel du système de la santé, etc. », soulève l’enseignante qui préfère garder l’anonymat et que nous appellerons par conséquent Sofia.
Cette dernière est particulièrement à même de comprendre l’importance d’avoir accès à des cours de langue lorsqu’on intègre un nouveau pays. D’origine hispanique, elle-même a dû passer par là lorsqu’elle est arrivée au Québec. « C’est extrêmement important d’acquérir la langue pour bien s’intégrer dans la société québécoise. »
D’ailleurs, Sofia affirme que si l’annonce des coupes budgétaires en francisation a secoué le personnel enseignant, le choc a peut-être même été encore plus brutal pour les élèves.
« Ces gens-là, ce ne sont pas des robots. Ils se sentent abandonnés par le gouvernement du Québec. »
L’enseignante rappelle aussi que dans de nombreux cas, « ce sont des entreprises de la région qui sont allées chercher des travailleurs à l’étranger, comme aux Philippines, en Colombie ou au Mexique. Et maintenant, ces gens-là participent à faire rouler l’économie régionale. On les voit dans les garages, dans les restaurants, dans les hôpitaux, dans les résidences pour aînés, ils sont partout et ils sont extrêmement travaillants. »
Discours contradictoire
Si elle dit comprendre que les ministères doivent réussir à rééquilibrer leurs finances, Sofia trouve néanmoins que les coupes en francisation entrent en contradiction avec le discours officiel du gouvernement.
« Je sais qu’il y a aussi des coupures importantes en santé, dans les cégeps et à beaucoup d’autres endroits, mais ça a vraiment été des grosses, grosses coupures en francisation. Je trouve ça un peu contradictoire parce qu’on entend souvent le gouvernement dire qu’il faut que les immigrants aillent travailler en région. Mais là, ils vont arriver ici et ils n’auront pas le service de francisation qu’ils devraient avoir, et le communautaire ne sera pas en mesure de répondre aux besoins, il est déjà débordé. »
Le conseiller municipal Frédéric Tremblay avait d’ailleurs tenu des propos similaires en réponse à la dénonciation des coupes en francisation par une citoyenne lors du dernier conseil de ville d’Alma.
« Sur cet enjeu-là, avait-il dit, le gouvernement parle des deux côtés de la bouche: d’un côté, il parle de l’importance du français, et de l’autre, il n’accorde pas les ressources pour franciser les immigrants et les travailleurs temporaires étrangers. Ça n’a aucun sens. »