C’est de façon remarquée que le conseiller municipal d’Alma Frédéric Tremblay a annoncé lundi son retrait de la vie politique à compter des prochaines élections. Deux principales raisons ont motivé sa décision, a-t-il informé le public lors de la plus récente séance du conseil municipal.
« Si je quitte après 22 ans au conseil, ce n’est assurément pas parce que je considère que la flamme n’y est plus ou que j’ai fait le tour des fonctions, a-t-il d’emblée mis au clair.
La première raison mentionnée par Frédéric Tremblay, « mineure par rapport à la seconde », précise-t-il, est l’évolution du rôle du conseiller, rôle dans lequel il se reconnaît moins qu’autrefois.
« Les occasions de s’investir concrètement sont plus rares qu’avant. Maintenant, on s’attend davantage à ce que l’élu se penche sur les grandes orientations, approuve les dépenses et fasse le pigeon voyageur entre les citoyens et l’administration. »
Le conseiller du district 4 poursuit, expliquant que « les décisions [prises dans les hôtels de ville] sont de plus en plus normées, laissées à des grilles d’analyse, puis moi, les grilles d’analyse, je trouve qu’elles n’ont pas de cœur, qu’elles n’ont pas d’instinct et qu’elles n’aident pas à l’innovation. Elles sont nécessaires, mais moi, ça me branche moins. »
« Je ne veux pas devenir totalement misanthrope »
C’est là la deuxième et prédominante raison qui justifie la décision du conseiller de laisser sa chaise au suivant. Précisons que la misanthropie est le fait de détester ou de mépriser le genre humain dans son ensemble.
Ce sentiment qui l’habite de plus en plus, mais par lequel il refuse de se laisser envahir, lui vient notamment « de la croissance de l’incivilité sous toutes ses formes ».
Comme plusieurs autres élus, notamment municipaux, l’ont dénoncé au cours des dernières années, Frédéric Tremblay dit avoir été la cible de nombreux commentaires et gestes irrespectueux de la part de citoyens, ce qui a finalement eu raison de son enthousiasme et de sa candeur vis-à-vis de la vie politique.
À ce titre, le conseiller dédie son départ aux personnes suivantes:
« Je dédie mon départ à cette dame qui ne connaît pas d’autres formes de communication que le cri et qui a été particulièrement insultante envers l'un de mes fils qui avait pris son message au téléphone. À ce restaurateur fort connu qui s’amuse à tenir des rencontres politiques devant sa clientèle, dont mes parents et amis qui m’ont rapporté ce qui a pu se dire sur mon compte. À cet avocat qui, bien qu’il m’ait contacté pour me demander des services, ne pouvait s’empêcher de me prendre de haut et d’être condescendant. À ce commerçant excédé et impoli qui m’accusait de lui donner des réponses de politicien alors que je lui expliquais le cadre légal quant à ses demandes. À ce monsieur m’interrompant en plein tournage au travail pour m’expliquer à quel point les aménagements sur la rue de la Gare n’avaient pas de bon sens, car ils ne lui permettaient plus de rouler aussi vite. À cet autre qui est venu m’invectiver devant ma famille en pleine sortie familiale. À certains environnementalistes un peu passifs-agressifs dont l’attitude et la monopensée font plus de mal que de bien à une cause que pourtant, je chéris. Au citoyen pour qui rien d’autre n’importe à part les 15 pieds d’asphalte devant chez lui et qui s’oppose à des aménagements pour la sécurité de tous. À celui qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de venir me harceler sur mon lieu de travail et d’envoyer à mon employeur un dossier pour le persuader de me mettre à la porte. À cette personne âgée qui a cru bon me sacrer dessus en raison de la relocalisation d’un parc parce que, je cite: « c’est un quartier de personnes âgées icite ». Aux complotistes de tout acabit, dont certains rencontrés en porte-à-porte qui estiment que, puisque tu es un élu, tu es forcément « au courant » et complice de forces occultes. Aux tristes personnes qui en ont contre les fleurs et les arbres et qui ont l’impression que ça coûte une fortune d’enjoliver notre vie.
« Je dédie surtout mon départ à cette légion d’individus qui se sent légitimée de commenter dans cet égout à ciel ouvert qu’est la page Facebook Spotted Alma et qui exprime des opinions mal informées dans un français approximatif. À ces personnes qui ne s’informent pas, qui ne suivent pas ce qui se passe dans leur ville, dans leur province, dans le monde, qui ne lisent pas les journaux, qui ne regardent pas le téléjournal et qui néanmoins, se sentent obligées de vomir leur opinion sur les réseaux sociaux. »
Frédéric Tremblay a conclu en citant le linguiste et auteur Umberto Eco: « les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui avant, ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. »
Un devoir d’éducation s’impose
Les 22 ans de carrière de Frédéric Tremblay l'ont par ailleurs amené à tirer certaines conclusions. Selon lui, le manque de civisme est, en autres choses, le symptôme d’un manque d’éducation, notamment en ce qui concerne la chose publique.
En ce sens, il soutient « que pour critiquer les affaires de la cité et ceux qui y participent, il faudrait minimalement avoir une conscience du bien public. Le gouvernement a mis de l’avant cette année un nouveau cours sur la citoyenneté, et je pense que c’est un pas dans la bonne direction, mais un tout petit pas. Vous direz peut-être que j’ai des idées de droite, mais j’en suis venu à l’idée qu’une forme de service civique devrait être imposée quelque part dans la vie de tout citoyen pour comprendre ce qu’est le bien collectif, pour comprendre comment sont prises les décisions. Un élu, ce n’est pas un simple bouc émissaire ou une piñata sur laquelle taper quand ce qu’il se passe ne fait pas ton affaire. »
Sans amertume malgré tout
En dépit des apparences, c’est « sans amertume » que le conseiller affirme qu’il quittera le poste qu'il a somme toute éprouvé du plaisir et de la fierté à occuper durant la majeure partie de sa carrière politique.
« J’ai eu la chance pendant toutes ces années de consacrer mes énergies à la poursuite du bien commun. Le sentiment que j’ai toujours recherché au fil des années, c’est la satisfaction de contribuer au bien-être collectif, à quelque chose de plus grand que soi. »
Frédéric Tremblay ajoute avoir « une admiration sans bornes et une oreille tout ouverte pour les gens qui donnent de leur temps dans des organismes, qui s’occupent de nos jeunes dans les ligues sportives, qui organisent des activités, des festivals, qui participent à des corvées, bref, qui contribuent. »