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Milieux humides et hydriques : Une loi qui fait mal aux agriculteurs

Le 23 octobre 2020 — Modifié à 14 h 23 min le 23 octobre 2020
Par Julien B. Gauthier

Gérard Mathieu, 1er vice-président Syndicat local Lac-Saint-Jean-Est de l'Union des producteurs agricoles (UPA), critique vertement la loi actuelle sur les Milieux humides et hydriques. Selon lui, les compensations financières que doivent assumer les agriculteurs qui souhaitent cultiver de nouvelles terres sont astronomiques.

Gérard Mathieu, 1er vice-président Syndicat local Lac-Saint-Jean-Est de l'UPA trouve beaucoup trop couteuse les compensations des milieux humides. (Photo : Courtoisie UPA)

Actuellement, 23 % du territoire de la MRC-Lac-Saint-Jean Est serait constitué de milieux humides selon la cartographie effectuée. Plusieurs terres agricoles se situent dans ces zones. Ce faisant, si ces agriculteurs souhaitent étendre leur terre, cela est considéré comme une « destruction » du milieu, puisqu’ils doivent par exemple procéder à de la coupe forestière.

Un homme de Saguenay, Patrick Déry, a récemment fait les manchettes en raison de cette loi. Il a acquis un terrain boisé de 26 hectares au montant de 40 000$ pour éventuellement le remettre en culture. Pour se faire, il devrait débourser 7,8 M$.

« Les compensations financières n’ont pas de bon sens. Quand on me dit que de cultiver une terre agricole, c’est de détruire, ça me fait mal aux oreilles. Je ne considère que cultiver une terre il détruit le milieu humide. Il est certes amoindri et diminué, avec la coupe forestière et le défrichement, mais il n’est pas détruit. Ce n’est pas irréversible, comme c’est le cas pour l’expansion urbaine », explique Gérard Mathieu.

Il déplore notamment que la construction de maisons ou la mise en place de parcs industriels dans des milieux humides soient considérées de la même manière que l’expansion d’une terre agricole.

En quoi elle consiste?

Adoptée en juin 2017, la loi 132 a pour but de freiner la perte des milieux humides et hydriques en imposant des compensations financières pour leur « destruction ». Ayant un effet dissuasif, elle impose des coûts minimums de 20$ à chaque mètre carré de milieux humides.

D’ici juin 2022, la MRC de Lac-Saint-Jean-Est devra mettre en place un plan régional visant trois principes : favoriser l’atteinte du principe d’aucune perte nette; assurer une gestion cohérente par bassin versant et tenir compte des enjeux liés aux changements climatiques.

Pour ce faire, la MRC procède actuellement à des consultations auprès de représentants du secteur agricole, forestier et municipal. Le syndicat local de l'UPA Lac-Saint-Jean Est a pris part aux consultations le 14 octobre dernier.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a promis en janvier dernier des assouplissements pour les agriculteurs. Ceux-ci se font toujours attendre.

Le Québec protège-t-il assez son « garde-manger »?

Tous les 10 ans, une superficie de terre agricole équivalente à l’île de Montréal disparaît. (Photo : Trium Médias - Serge Tremblay)

Selon Gérard Mathieu, l’étalement urbain des municipalités continue de se faire aux dépens des terres agricoles. Si cette situation perdure, le « garde-manger » du Québec est condamné à rétrécir.

« Ça serait le temps que le Québec se réveille pour protéger les milieux agricoles, plaide le représentant syndical. Les municipalités, elles grossissent et grossissent. Un moment donné elles débordent. Et si elles veulent s’agrandir, elles n’iront pas dans les milieux humides payer des millions en compensations. Elles vont aller dans les secteurs agricoles ».

L’UPA demande carrément d’être exclue de la Loi 132 sur la protection des milieux humides. Selon Gérard Mathieu, la superficie des terres agricoles cultivables diminue chaque année. Elles représentent actuellement 2 % du territoire du Québec. Au Lac-Saint-Jean, la situation inquiète particulièrement puisque bon nombre de municipalités sont entourées de terres agricoles, qui pourraient être avalées par la construction de nouveaux quartiers et de parcs industriels.

« Notre garde-manger fait seulement rapetisser d’année en année. On perd des milliers d’hectares tous les ans à la grandeur du Québec. Pour ce qui est du résidentiel et du commercial, on veut que l’économie vive et que la population augmente, c’est bien normal. Mais on ne veut pas que ça se fasse aux dépens des terres agricoles. »

Le prix des terres agricoles a également augmenté de 600 % de 1992 à 2015, passant de 1620 $ à 10 115 $ l’hectare en moyenne. Selon le journaliste et agronome Nicolas Mesly, l’équivalent de la superficie de l’ile de Montréal disparaît tous les 10 ans.

Une fausse victoire

Le gouvernement permet la remise en culture en milieux humides sans avoir à payer de compensation si l’abandon de la terre est survenu il y a moins de 30 ans. Pour Gérard Mathieu, c’est nettement insuffisant puisque bon nombre de ces terres abandonnées se trouvent dans des pentes, des lieux difficilement accessibles.

« Je ne pense pas que ce soit un gain tant que ça. Si ces terres ont été abandonnées il y a 10 ans, 15 ans, 20 ans ou 30 ans, c’est parce qu’il y a une raison. Dans le temps de nos grands-pères, ils défrichaient partout, notamment dans les coulées. Aujourd’hui, avec les machineries, on ne peut plus aller dans ces endroits. »

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