Je suis convaincu qu’en l’an 2200, lorsque nos descendants regarderont en arrière, ils constateront à quel point nous étions attardés en matière de gestion de nos réseaux sociaux. On peut prévoir (et surtout espérer) que les normes et les mesures de contrôle auront assez évolué pour éliminer du paysage les insultes, les propos diffamatoires et les menaces des quidams se cachant peureusement derrière leur pseudonyme. Or l’anonymat ne permet pas tout.
Vous connaissez cette citation de l’écrivain italien Umberto Eco concernant le Web ? C’est ma préférée : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel ».
Pas étonnant qu’on assiste ces jours-ci au Québec à une série de démissions de mairesses et de maires qui en ont ras-le-bol de se faire apostropher en ligne à longueur de journée. À cela s’ajoutent les invectives et les interventions dites « musclées » lors de la période des questions.
Dans le tumulte de la politique, où les débats font rage et les opinions divergent, les élus portent un fardeau souvent invisible : celui de l’intimidation, qu’ils soient maires, députés ou conseillers municipaux. Les politiciens sont exposés à une avalanche de commentaires haineux, d’insultes et de fausses informations. Leur vie privée est parfois scrutée, leurs décisions disséquées et leur intégrité mise en doute.
L’Union des municipalités du Québec, l’UMQ a récemment lancé la campagne « démocratie dans le respect » pour sensibiliser les citoyens à l’importance de maintenir un débat public courtois et exempt de violence verbale, écrite ou physique envers les élus. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Dans le temps, on disait de quelqu’un ayant une carapace solide, faisant face aux insultes, qu’il avait la couenne dure. Or les maires(ses) ne démissionnent pas en bloc parce qu’ils ont la couenne molle. La plupart avait à coeur le service public et l’engagement envers les citoyens. Mais se faire cogner dessus à longueur de journée comme un punching bag, ça use.
Comme au hockey, où les bagarres n’ont plus leur place mais qui sont (pour je ne sais quelle raison) toujours tolérées, il est temps de mettre fin aux bagarres dans l’arène politique. Je ne parle pas d’un débat d’idées et d’une confrontation d’arguments, mais d’une limite de ton à ne pas franchir. Il en va du respect de ceux ayant courage de vouloir nous représenter publiquement.
Derrière les discours, les décisions et les débats, il y a des êtres humains qui se lèvent chaque jour pour servir leur communauté. Ils méritent notre respect, notre soutien et notre reconnaissance. Car, malheureusement, l’intimidation ne devrait jamais être le prix à payer pour la démocratie.