Chroniques

Temps de lecture : 2 min 37 s

Rédemption

Le 26 juin 2025 — Modifié à 07 h 00 min le 26 juin 2025
Par Alexandra Gilbert-Boutros

Comment peut-on pardonner et passer à autre chose?

Durant le mouvement #metoo, j’étais vraiment partagée. J’étais SUPER solidaire et fière des femmes qui dénonçaient enfin, pas tellement convaincue que le système de justice les servirait. La solution était percutante, brisait le mur du silence. C’est le côté chasse aux sorcières, opportuniste qui me rendait un peu mal à l’aise. Dans la liste, il y avait des déchets. De solides déchets. Il y avait aussi des hommes innocents. Le procès populaire était égal pour tous et éthiquement, ça me titillait.

Des têtes sont tombées, et tant mieux. TANT MIEUX. Je ne le crierai jamais assez, je suis reconnaissante du mouvement qui a libéré plusieurs femmes de l’emprise d’agresseurs, qui leur a donné une voix. Maintenant, les années ont passé. Pardonne-t-on et à qui?

Est-ce le même tribunal populaire qui décidera qu’Éric Lapointe est repenti? Après son entrevue où il explique tout sans tabous, est-ce qu’expliquer excuse? Bernard Adamus, visiblement, il s’est repris en main, arrêté de boire, mode de vie sain. J’ai tendance à y croire, j’achète. Mais qui suis-je? Le pardon, il se fait quand, ça prend quoi? Julien Lacroix, j’y crois pas. Éric Lapointe, tu me paierais puis j’irais pas. Paraîtrait qu’il remplit encore des salles, on verra ça cet été à Alma.

GILBERT ROZON TABARNAK. Eille, L’absence de repentir et l’appui des pairs, sur la place publique. Autres temps, autres mœurs, est-ce une excuse? Ça reste toujours ben du non-consentement, peu importe l’époque, un viol c’est un viol. Un trip de pouvoir, prendre emprise sur quelqu’un, c’est tout sauf un jeu de séduction. Un narcissisme crasse, j’en veux, je peux, donne-moi. Pas d’humain face à lui, un corps. Je l’attends le verdict, je l’attends impatiemment parce qu’il fera un précédent. Ici, c’est la justice qui parle. Le tribunal populaire l’a condamné, qu’en est-il du système?

Puis si, dans 10 ans, il revient, l’air accablé, quelques thérapies derrière la cravate, est-ce qu’on va le croire? Pourquoi? Pourquoi Éric? Pourquoi Bernard? Pourquoi Gilbert? Pourquoi? Ça prend quoi?

Avez-vous écouté la série Empathie? Elle ouvre les esprits, c’est une très grande œuvre.  Est-ce qu’on pardonne à une personne violente parce qu’excusé par sa santé mentale. Je pense à la mère de la petite Claire. Nous nous sommes tous tordu le cœur à espérer la retrouver, soupiré de soulagement après trois jours où chacun s’appropriait cette histoire. Le tribunal public a décrété que sa mère était une moins-que-rien, à mort la marâtre. On assiste ici publiquement à une personne en détresse profonde ayant fait du mal à un enfant.

Guy Turcotte. J'pense que je n’écrirai rien de plus, son nom seul fait frissonner. Mais la question se pose pour lui aussi.

Donald Trump.

À plus petite échelle, dans un foyer, le cycle de la violence est sournois et se répète. Il n’a pas de fin et crée un sentiment de paralysie chez la victime, les rend vulnérable et détruit leur estime. Je m’excuse mon amour, voilà des fleurs, voilà mes bonnes intentions. Voilà une nouvelle séance de violence.

Encore plus petit. Si ma fille me ment, et qu’elle s’excuse, et qu’elle ment encore une semaine plus tard. Si je me fâche, que je m’excuse, mais que je me fâche encore. La valeur du pardon. Le vrai. Je ne le comprends pas. Ce n’est qu’instinct et empathie, ou limites et respect de soi.

Cette chronique se veut un exercice de prise de conscience des lignes éthiques, du gris. De l’absence de noir ou de blanc. J’aime penser que peut-être, le noir et le blanc n’existent pas. Mon instinct me demande de trancher et de catégoriser.

J’aime penser que le pire de l’humain peut être compensé par le plus beau. J’irai pas voir Éric Lapointe, ce sera mon acte de compensation, pour elles.

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