Chroniques

Temps de lecture : 2 min 38 s

Pilule rouge

Le 10 juillet 2025 — Modifié à 07 h 00 min le 10 juillet 2025
Par Stéphanie Gagnon

J’ai peur de l’intelligence artificielle. Pas parce qu’elle est intelligente, mais parce que nous, on l’est pas tant que ça.

Donne un outil puissant à l’humanité pis regarde ce qu’il en fait. La NASA a envoyé un robot à plusieurs milliards sur Mars, dans le coin de 2010, pis l’ingénieur qui contrôlait le rover à distance lui a fait dessiner... Un pénis.

L’IA en tant que telle, c’est pas une menace, c’est juste une patente programmée pour faire ce qu’on lui dit. Là où ça se complique, c’est quand elle est entrainée et contrôlée par monsieur et madame tout le monde qui la nourrissent n’importe comment, utilisant tout le potentiel de cette technologie à des fins pas toujours nobles.

Un autre volet qui m’effraie de l’IA, c’est tout ce qu’on ne fait plus nous-mêmes à cause d’elle. Tout y est délégué : penser, organiser... On sous-traite notre intelligence. (À grand coût écologique, puisque chaque conversation avec par exemple ChatGPT nécessite un apport en eau pour refroidir les serveurs, en plus d’émettre en moyenne 4.32g de CO2 par interaction, par rapport à une requête web ordinaire qui produit 0.02 gramme. Multiplions ça par des millions de requêtes quotidiennes mondialement, ça donne chaud.)

On a voulu se simplifier la vie avec la technologie, c’est bel et bon, mais je trouve qu’on dérape quand on demande à notre montre intelligente si on a assez marché pour mériter un biscuit. Bientôt, on n’aura plus besoin de conduire, juste à être passagers dans nos véhicules. (Et permettez-moi ce commentaire gratuit : c’est laitte, un Cybertruck, et j’hais tout ce que ca représente : « chus riche, pressé, j’m’en sacre des changements climatiques et j’ai besoin que ça paraisse »)

C’est pas nouveau, d’avoir peur que ça dégénère, les robots et l’IA. Dans Wall-E, les humains, après avoir cochonné la planète, finissent bedonnants sur des chaises flottantes dans des vaisseaux pendant des générations, incapables de lever le petit doigt, pendant que des robots faisaient tout. Dans Star Trek, la Reine Borg voulait « améliorer » l’humanité. Tsé, fusionner tout le monde dans un esprit collectif froid. J’en ai fait des cauchemars à l’époque, pis chaque fois que je furète sur les réseaux sociaux, je trouve qu’on s’en approche un peu plus. Entrons dans le moule. Ne dérangeons pas.

J’arrive d’assister à We Will Rock You, (allez-voir ça) une comédie musicale hommage à Queen où les machines ont remplacé la musique, la pensée critique pis les émotions. Heureusement, y’a encore du monde qui résiste et qui veulent sentir, créer et vivre pour vrai. Pas juste générer du contenu tiède.

Je dis pas qu’on devrait tout jeter à la poubelle pis se racheter une machine à écrire. Mais entre une calèche amish pis une Tesla qui t’emmène à l’épicerie pendant que tu dors, y’a sûrement un juste milieu.

Et est-ce qu’on peut ralentir ça un brin ? Genre, prendre un temps d’arrêt, pour voir si on ne serait pas en train de créer une version bêta de la Matrice. Je vous invite à choisir la pilule rouge et à regarder autour de vous, remarquer comme ça commence à glisser. Je pense sincèrement que collectivement, on n’a pas encore la maturité de dompter une bébelle de cette nature. Y’a ben des fois dans l’histoire de l’humanité où on a reçu un nouveau pouvoir pis qu’on s’en est servi comme des caves. Je pense aux PFAS, à Monsanto, aux OGM, aux vols d’identité, aux drones militaires, Nagasaki, l’agent orange, et vous pensez surement à mille autres exemples... Rien là-dedans n’est réjouissant.

L’intelligence artificielle, ça pourrait être une merveille. Mais pour l’instant, c’est comme si on avait donné un sabre laser à un enfant de 5 ans qui aurait mangé deux rangées d’une boîte de Chip Ahoy. C’est pas l’arme qui est dangereuse, c’est les petites mains qui courent avec insouciamment.

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