Chroniques

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Blouses blanches, mines noires : la loi qui démotive

Le 06 novembre 2025 — Modifié à 07 h 23 min le 06 novembre 2025
Par Roger Lemay

Je n’ai pas lu les 150 pages de la loi sur la réforme de la rémunération des médecins et je n’ai pas l’intention de m’improviser expert. Je ne le suis pas. Ceux qui le sont ont déjà fait valoir leurs points et bien assez de chroniqueurs se sont aussi mis de la partie. Je connais un peu le système actuel de rémunération, basé principalement sur l’acte, mais je ne saurais expliquer toutes les subtilités de ce qui s’en vient. Sauf que je connais depuis un bail assez bien les principes de gestion d’équipes, dont l’art de la motivation, et là, le gouvernement a tout faux.

Les principes modernes du management sont clairs : la motivation ne naît pas de la contrainte, mais de la reconnaissance, de l’autonomie et du sens donné au travail. Or, la réforme québécoise, passée sous bâillon, fait exactement l’inverse. Elle réduit l’acte médical à une série de chiffres et d’objectifs, voire à un minutage et un système similaire à des pastilles de couleur, comme si soigner relevait d’une chaîne de montage. C’est ce que les oppositions ont qualifié de fast food.

Un médecin démotivé n’est pas seulement un professionnel moins productif : il est aussi un être humain fragilisé. La surcharge administrative, la pression des cibles et la peur des sanctions peuvent mener à l’épuisement professionnel, voire à la maladie. Dans un réseau déjà marqué par la pénurie de personnel et les listes d’attente interminables, Québec ajoute une couche de stress.

Et en imposant cette réforme, le gouvernement envoie un message clair : la performance prime sur la confiance. Mais peut-on réellement améliorer l’accès aux soins en démotivant ceux qui les prodiguent ? Les médecins ne sont pas des fonctionnaires interchangeables, ils sont au cœur du système, porteurs d’une expertise et d’une vocation qui ne se mesurent pas uniquement en statistiques. En ignorant les besoins psychologiques fondamentaux des professionnels – écoute, empathie, compréhension – le gouvernement prend le risque de créer un climat de défiance et de démoralisation.

La CAQ avait l’occasion de bâtir une réforme inspirée des meilleures pratiques de gestion moderne, fondée sur la collaboration, la reconnaissance et la valorisation du travail médical. Elle a choisi la voie de la contrainte et du bâillon. Le prix à payer pourrait être lourd : une profession démoralisée, des départs massifs, à la retraite et sous d’autres cieux. Car la défection n’est pas une menace sans conséquence. Plusieurs médecins ont déjà manifesté leur intérêt pour travailler ailleurs, notamment dans d’autres provinces canadiennes. Le danger est bien réel. Une fuite des talents affaiblirait encore davantage le réseau public, déjà fragilisé par le manque de ressources humaines. 

L’époque de la gestion à coup de tapes de règles a fait son temps et ne passe plus. On se doute que ce n’était pas leur intention, mais en agissant comme ils l’ont fait, messieurs Legault et Dubé ont agi en mononcles d’une époque révolue, en pères fouettards, ce qui ne les ramènera pas de sitôt dans les bonnes grâces des fédérations médicales. Quelqu’un a sans doute oublié de leur expliquer que les nouvelles générations de travailleurs ne réagissent plus à la cravache.

Le premier ministre a voulu récemment se présenter en Rocky, eh bien en ce moment il a plutôt l’air d’un boxeur dans l’arène entrain de cogner son propre soigneur.

 

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