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Dent de mastodonte fossilisée retrouvée à Chambord

Une découverte historique remise en lumière par Mathieu Tremblay

Yohann Harvey Simard
Le 22 mai 2025 — Modifié à 10 h 16 min le 22 mai 2025
Par Yohann Harvey Simard - Journaliste de l'Initiative de journalisme local

En 1978, Christian Hudon, âgé de 7 ans à l’époque, posait le pied sur une « drôle de roche » le long d’une plage du secteur de Chambord. Sa trouvaille fortuite se révélera être une dent de mastodonte américain fossilisée, potentiellement le seul vestige de mégafaune à ne jamais avoir été découvert au Québec.

Le mastodonte américain est une espèce de Proboscidien qui s’est éteinte il y environ 9 000 ans. Les Proboscidiens constituent un ordre de mammifères dont les éléphants actuels sont les derniers représentants.

Lorsqu’il trouve ce qu’il ne sait pas encore être une dent, le jeune Christian Hudon rapporte le fossile à son oncle qui, par une heureuse coïncidence, se trouve à être denturologiste. Ce dernier détermine immédiatement qu’il s’agit d’une dent, mais de quoi au juste? Se demande-t-il.

« J’ai dit: “c’est une dent, ça!” C’est là que j’ai contacté Ève », se souvient l’oncle de Christian Hudon.

Ève Tremblay, à ce moment professeure d’archéologie au Collège d’Alma, participera à l’identification de la dent avec l’aide d’un docteur de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe.

La dent de mastodonte, en l’occurrence une molaire, retrouvée par Christian Collard date d’environ 100 000 ans selon la plus récente estimation du paléontologue Dick Harington. Elle est exposée au Musée ilnu de Mashteuiatsh depuis plusieurs années.

Une singulière découverte

La dent trouve son caractère exceptionnel dans le fait qu’au Canada, très peu de fossiles datant du pléistocène (période glaciaire) ont pu être déterrés.

C’est que durant l’ère glaciaire, les glaciers se sont déplacés sur une grande partie du Canada, mouvement qui a érodé une grande partie des archives de fossiles de grands mammifères de la période glaciaire aujourd’hui éteints, incluant les mastodontes américains, nous apprend L’Encyclopédie Canadienne.

C’est donc dire qu’en 1978, le jeune Christian Collard mettait le pied sur le gros lot.

La dent partagée avec le public

Le naturaliste et paléontologue amateur d’Alma Mathieu Tremblay s’intéresse à la molaire découverte par Christian Hudon depuis 20220. Il souhaite que la dent de mastodonte américain soit mieux connue du public, notamment en raison de la dimension historique de sa découverte.

« Cette dent allait [au moment de sa découverte] rapidement soulever l’intérêt du milieu scientifique québécois, devenant au fil du temps une pièce maîtresse du patrimoine paléontologique de la province. »

Il ajoute que la dent est « potentiellement la seule preuve concrète de la présence de mégafaune terrestre glaciaire de ce type au Québec, poursuit le paléontologue amateur. Alors que la majorité des restes de mastodontes au Canada proviennent de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse, la dent de Chambord démontre que ces animaux ont aussi parcouru les terres du Saguenay–Lac-Saint-Jean avant les grandes glaciations. Cela renverse les anciennes conceptions selon lesquelles cette région aurait été totalement inhabitée par la faune terrestre avant la dernière déglaciation. »

La dent a été remise en lumière en 2025 grâce aux efforts de Mathieu Tremblay, de son acolyte Joël Privé et du chercheur postdoctoral Alexandre Demers-Potvin de l’Université McGill.

Ensemble, ils ont présenté ce spécimen à la conférence annuelle de la Société canadienne de paléontologie des vertébrés, qui s’est déroulée à Montréal du 5 au 7 mai derniers.

« Cet événement a été l’occasion de replacer la dent de Chambord dans le discours paléontologique contemporain, en soulignant sa rareté et sa valeur scientifique », soutient Mathieu Tremblay.

À cette occasion, ajoute-t-il, « la dent a été scannée à l’aide d’un scanneur de surface 3D de haute précision, utilisant de la lumière blanche pour générer une image tridimensionnelle fidèle de la pièce ».

La dent pourra ainsi être reproduite en impression 3D. Des copies seront remises à quelques personnes, permettant au grand public d’admirer cette découverte sans manipuler l’original. Ces technologies offrent aussi de nouvelles avenues d’étude et de conservation.

Exposée à la bibliothèque d’Alma

La dent sera par ailleurs exposée à la bibliothèque municipale d’Alma durant toute l’année 2025 afin que « le public puisse venir l’admirer de près et en apprendre davantage sur ce témoin du passé glaciaire du Québec ».

De plus, avec la permission du Musée ilnu de Mashteuiatsh, le fossile pourra être exceptionnellement présenté lors de certains événements scientifiques, culturels ou éducatifs à travers la province. Mathieu Tremblay entend également se rendre dans des écoles primaires de la région afin de présenter la molaire et d’autres fossiles issus de sa collection personnelle.

 

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