Alors qu’un vent de changement souffle sur le resto-bar Le Crapaud, prenons un instant pour revenir sur les grands chapitres de la vie de cette institution almatoise qui, bon an, mal an, roule sa bosse depuis 1982.
Le Crapaud, c’est d’abord le fait de l’amitié, et ensuite de l’association, des hommes d’affaires Jean Langlais et Rock Maltais.
Jean Langlais, originaire de la Gaspésie, emménage à Alma en 1976. Au départ dans le vêtement, celui qui était venu brasser des affaires dans la région se met à ouvrir des bars un peu partout au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Parmi eux, le bar Chez Elliot sur le coin sud-est des rues Saint-Joseph et Sacré-Cœur à Alma. Mais puisque Jean Langlais n’était pas l’homme d’un seul projet, une idée le hante: prendre possession du local situé sur le coin opposé, au nord, qu’il soupçonne d’avoir un potentiel commercial peut-être même supérieur.
Toutefois, le bâtiment qui s’y trouve est alors occupé par une bijouterie. C’est à ce moment qu’intervient Rock Maltais, bon ami de Jean Langlais, mais surtout propriétaire de plusieurs terrains commerciaux à Alma. Fort de ses relations dans l’immobilier, Rock Maltais parviendra à dégoter un bail à son ami désormais appelé à devenir son associé.
« Ça faisait plus d’un an que Jean essayait de mettre la main là-dessus. Je lui ai donc dit que j’allais aller lui négocier ça, et j’ai réussi à trouver une entente pour avoir le coin de rue », se souvient Rock Maltais.
Peu de temps après, les deux hommes ouvrent Le Crapaud. Le bar connaît un succès immédiat. Jean Langlais avait vu juste.
Une histoire de succès
En effet, Le Crapaud n’aura pas été qu'un feu de paille. Plus le temps passe, plus les clients y sont nombreux, au point où les propriétaires doivent rapidement envisager d’agrandir l’établissement qui, au moment de son ouverture, ne couvre que le tiers de sa superficie actuelle, le reste étant occupé par d’autres commerces.
Or, incommodés par le bruit légitime, mais néanmoins irritant, provenant du bar particulièrement achalandé qu’était Le Crapaud, les locataires voisins ne se font pas prier pour céder leur bail à Rock Maltais et Jean Langlais.
C’est ainsi que Jean Langlais, à l’origine de la première discothèque d’Alma, la Dispathèque, lance l’idée d’en ouvrir une autre au-dessus du Crapaud. Un souhait qui se traduira par l’ouverture du Cité Rock en 1987, club qui deviendra presque aussi mythique que Le Crapaud, du moins aux yeux de ceux qui y ont fait leur jeunesse.
Savoir se réinventer
C’est au début des années 2000 que les propriétaires du Crapaud songent à se tourner vers la restauration. Au début, il ne s’agira que d’une modeste cuisinette installée dans l’arrière-boutique question de pouvoir servir des ailes de poulet à l’occasion.
Mais la portion restaurant ne tardera pas à gagner en importance sous l’impulsion de Michael Langlais et de Carl Maltais, fils respectifs de Jean Langlais et de Rock Maltais dorénavant impliqués dans l’entreprise. Par ailleurs, selon Michael Langlais, c’est le fait d’avoir diversifié l’offre avec un restaurant en bonne et due forme qui aura permis au Crapaud de survivre à la pandémie de 2020.
En 2016, Le Crapaud a droit à une cure de jouvence alors que 350 000 $ y sont investis dans le but de rafraîchir le décor. Plus récemment, avec l’arrivée des actionnaires Chantale Tremblay et Mario Gagné, l’établissement annonçait qu’il allait une fois de plus se réinventer, notamment en intégrant un volet hôtelier à son offre. Un renouvellement nécessaire alors que les bars sont de moins en moins fréquentés, a pu observer Michael Langlais.
Selon ce dernier, si la pandémie a été le coup de grâce pour de nombreux bars, une tendance défavorable vis-à-vis de ce type d’établissements se faisait déjà sentir depuis plusieurs années, notamment depuis l’arrivée des réseaux sociaux.
« J’ai connu parmi les plus belles années du Crapaud. C’est incroyable à quel point on avait du monde. Fût un temps où le Cité Rock était ouvert sept jours sur sept… J’ai vraiment commencé à observer une diminution de la clientèle à partir du moment où Facebook est arrivé. J’ai vu le changement de la nouvelle génération: avant, tu venais en ville, tu venais au bar pour socialiser. Les gens venaient de tous les villages pour se voir. C’était une nécessité de sortir, alors que maintenant, la socialisation, tu peux la faire sur Internet. À mes yeux, c’est vraiment ça qui a donné un coup dur aux bars. »
La fierté de deux grands amis
Michael Langlais soutient que parmi la cinquantaine de bars et de restaurants que son père a démarrée durant sa vie, Le Crapaud est toujours resté son plus grand succès, sa plus grande fierté. Jean Langlais a rendu l’âme en 2017 à l’âge de 66 ans.
Rock Maltais, pour sa part, fêtera son 81e anniversaire cette année. Il décrit comme fraternelle l’amitié qu’il a entretenue avec son associé Jean Langlais.